mardi, juillet 01, 2008

Premier jour
















Une table de douze...

Valerie Allard, Ghania Ayadi, Cosima Bloch, Patricia Boncher, Marcel Dagniau, Marc Desimeon, Lisa di Sante, Christiane Drumel, Jacqueline Perlot, Aurélien Polaert, Florence Renson, Marine Selvais... se sont mis à approcher le poème sous sa forme libre et même narrative, de la façon la plus simple qui soit: en regardant longuement ce qu'ils ont décidé de voir et de traduire...

Ecrire, c'est aussi cela: apercevoir un"au-delà" du poème qui permet au poème de laisser entendre cette voix secrète,ce chant du monde...

Des réferences dans la journée: Jean-Pierre Verheggen, Paul Klee, Valère Novarina,Jim Harrison, Jacques Izoard, Milan Kundera, Werner Lambersy, La Genèse,...

Premiers textes écrits dans l'atelier qui vont suivre bientôt sur cette page...




















Extrait de "Ne trouves-tu pas que le temps change?"


"... Celui qui vient de parler se penche dans le courant et laisse sa main aller au fil de l’eau. C’est frais et pétillant comme l’enfance et il se dit qu’il aimerait bien s’y plonger tout de suite, comme ça, rien que pour vérifier si le rire vient aussi vite qu’avant, quand le cul est de plomb et que les jambes battent l’air comme des bras malhabiles qui appelleraient à l’aide. Mais il se tait.

Son ami parle trop mais c’est son ami. Alors, il ne dit rien, il se dit qu’il fabrique assez de paroles pour deux. Que ça a toujours été comme ça, et qu’il n’y a pas de raison que ça finisse ici. Il se dit aussi que cet après-midi dans la rivière ne lui rappelle rien d’autre que des après-midis dans la rivière mais que ça suffit, que toute une vie peut se résumer à un après-midi dans la rivière, si on veut. Et il le voulait. Il se dit aussi qu’il n’a jamais beaucoup réfléchi à toutes ces choses qui lui viennent maintenant qu’il marche dans la rivière et que son ami parle pour deux. Il se dit qu’il devrait réfléchir plus souvent à ces choses, ou venir plus souvent à la rivière et déjà, il ne sait plus exactement ce qu’il veut. Ce qu’il aime, ce sont ces sensations qui lui passent entre les chevilles, les mollets, les doigts de pied, toutes ces sensations qu’il ne parviendrait pas à expliquer si on le lui demandait.


Mais il sait que de penser à ça lui suffit et il relève la tête.
Son ami sourit en le regardant et lui fait un petit signe de la main. Il agite les doigts comme si il lui lançait un au revoir enfantin. Et ses pieds à l’instant se saisissent, s’immobilisent comme s’il était surpris au plus profond de son intimité, là, au milieu de la rivière ; devant son ami qui lui fait un signe en souriant et lui, d’un coup, se crispe, arrête ses idées, suspend son étonnement et lui répond d’une main amicale. La rivière ne coule plus aussi légèrement, elle le frôle à peine et d’un coup, elle a disparu, il n’y a plus que cette gène en lui, comme un sentiment surexposé et que le livrerait comme jamais il ne se l’est permis. Ce geste de son ami imitant ses doigts de pieds frétillant dans la vase le met mal à l’aise.

Il perçoit plus intensément encore le fourmillement qui se loge sous sa voûte plantaire, qui grouille et déborde autour des chevilles, qui remonte le long des poils des jambes et qui se perd dans ce frisson qui le rend triste alors que toutes ces idées qui le tenaient penché sur le cours de la rivière viennent de s’évanouir.
Ils se regardent un moment en silence pendant que des flottes cendrées leur passent loin au-dessus de la tête. Mais ils ne disent rien. Ca a été une de leurs plus importantes décisions : vieillir dans un consentement sans failles, jusqu’au désastre probable qui les envahira un matin, quand le ciel est si clair que les arbres s’effacent lentement jusqu’à la cime…

Alors, quand des sensations bizarres les saisissent à la gorge, ils se taisent, ils sont polis, ils savent que cela ne sert à rien de parler de ce temps qui les environne comme la rivière. Où qu’ils aillent elle ne cesse de couler et quand ils sont loin dans l’arrière-pays, elle est toujours là.(...)"


DS




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