lundi, juillet 31, 2006

Auteur invité, Jose Geraldo

José Geraldo est auteur, compositeur, musicien, acteur, metteur en scène, traducteur et j'en passe. Il co-anime avec Helena Feria à Coïmbra, Portugal, le théâtre Camaleao.



CHAT !

ou Du Bon Usage des Géants et Autres Créatures

Théâtre de figures


Personnages

L'enfant
Le chat
Un géant
Un génie de lampe magique
Un autre génie de la même lampe
Un aveugle
& son chien
Un lutin
Un vieil homme, le grand-père de l'enfant
Un chasseur
Un deuxième chasseur
Un gnome
& quelques dizaines de chats
Maman, c'est la maman de l'enfant
Un cul-de-jatte
Une sorcière
& son chat
Un aigle
Un serpent
Un nain barbu
Le diable

Objets & Lieux Scéniques

Un poteau électrique
Une lampe magique (Aladin)
Une laisse
Une fenêtre
Un sac
Des allumettes
Une rivière
Deux armes de chasse
Une arbre
Une table
Une chaise
Deux plats
De la moutarde & du pili-pili etc.
Une chaise roulante
Un chaudron de sorcière
Des poudres magiques
L'enfer


Effets avec le feu

Avec les allumettes on met du feu au sac
Du sac sortent le chat & le lutin en flammes

Explosions, etc… dans le chaudron, avec & sans les poudres magiques

L'enfer doit avoir des rideaux de feu

Notes

Les voix (onomatopées et petits textes, comme dans les films de Jacques Tati), sont à découvrir pendant les répétitions, faisant toujours attention à l'économie verbale.

Lutin — vêtements couleurs chaudes.
Gnome — vêtements verts.

1


Un poteau électrique
Un chat noir entre pressé, & grimpe au poteau.
Un enfant arrive sur scène. L'enfant jette des pierres au chat pour qu'il tombe. Mais il n'y arrive pas.
Un géant arrive. Voyant ça, attrape le chat du haut du poteau.
L'enfant regarde attendant la suite.
Le géant donne le chat à l'enfant.
L'enfant jette des pierres sur le géant.
Le chat fuit. Le géant aussi. L'enfant continue à jeter des pierres pendant qu'ils sortent.

2


Une lampe magique (Aladin).
Le chat court. Il voit la lampe & y plonge, pendant que l'enfant arrive.
L'enfant prend la lampe. Il frotte la lampe trois fois.
De la lampe sort le génie de la lampe.
L'enfant attrape le génie de la lampe par le cou, le tourne en l'air & le jette, comme un marteau olympique.
L'enfant frotte la lampe une deuxième fois.
Un autre génie sort de la lampe. Même jeu.
L'enfant frotte la lampe une troisième fois.
Le chat sort de la lampe & fuit.
L'enfant prend la lampe & la jette sur le chat.


3

Un aveugle traverse la scène avec son chien.
Le chat entre. Le chien, voyant le chat, commence une poursuite.
L'aveugle, la laisse en main, tombe au sol traîné par le chien.
L'enfant apparaît, regarde ce qui se passe et commence à rire furieusement.
Le chat sort suivi de l'aveugle, toujours traîné par le chien.


4

Une fenêtre.
A l'extérieur un lutin regarde.
Le chat court. Le lutin se cache.
L'enfant commence la poursuite. Le lutin voit tout ça, caché.
Le chat et l'enfant sortent.
Le lutin apparaît de nouveau à la fenêtre. Il ouvre la fenêtre & entre dans la "maison".
Le chat rentre à nouveau.
Le lutin sort rapidement par la fenêtre, qui reste mal fermée.
L'enfant poursuit le chat. Ils sortent.
Le lutin entre une deuxième fois dans la "maison" avec un sac.
Il prépare le piège — ouvre le sac au sol & se cache derrière.
Le chat court & se cache dans le sac.
Le lutin ferme le sac rapidement, le chat dedans.
L'enfant arrive. Stop! Temps.
Le lutin offre le sac à l'enfant.
L'enfant prend le lutin & le mets dans le sac.
L'enfant saute sur le sac, qui est au sol, tremblant et "ayayant".
L'enfant sort.
Le sac reste au sol, tremblant et "ayayant" encore.

5

L'enfant rentre avec un vieil homme; même visage que l'enfant, mais beaucoup plus âgé — son grand-père.
Le sac est maintenant immobile.
L'enfant montre le sac au grand-père, qui s'approche lentement.
Le vieux prend de sa poche des allumettes & met le feu au sac.
L'enfant, à côté, attend la suite.
Le lutin et le chat sortent du sac, des torches vivantes.
Ils sautent par la fenêtre. L'enfant les suit.
Le vieux reste là, à dire non de la tête, tout en riant un peu. Il sort.

6

Une rivière.
Le chat, torche vivante, entre en scène et se jette à l'eau… &… ouf!
L'enfant arrive. Stop. Il voit le chat, mais il a pas le courage de sauter dans l'eau.
Il commence à pleurer.
Deux chasseurs arrivent. Ils s'arrêtent.
L'enfant les voit et, pleurant, montre le chat, au milieu de la rivière.
Les chasseurs déposent les armes sur la rive et se jettent à l'eau pour repêcher le chat.
L'enfant prend les armes & commence à tirer sur le chat et les chasseurs.
L'enfant abat les chasseurs. Le chat fuit.
L'enfant dépose les armes au sol &, pleurant toujours, il sort.



7


Une arbre.
L'enfant arrive, pleurant encore. S'assoit le dos contre l'arbre.
Apparaît un gnome derrière l'enfant, caché par l'arbre. Temps.
Le gnome prend une décision: commence à siffler une chanson drôle et apparaît à l'enfant.
L'enfant s'arrête de crier & demande son chat au gnome.
"Ah! un chat!" dit le gnome.
Il siffle & des dizaines de chats apparaissent.
L'enfant recommence à pleurer: "Mon chat!"
Il pleure de plus en plus fort, à tel point que ça devient insupportable.
Tout commence à trembler — tremblement de terre.
La terre s'ouvre; les chats & le gnome sont engloutis; l'arbre tombe.
L'enfant reste seul, soudain silencieux, énorme silence.
Tout est calmé. L'enfant regarde autour de lui, puis sort.


8

Une table & une chaise.
Maman entre & met un plat à la table. Puis elle appelle l'enfant: "Coucou!" Elle sort.
Elle entre & pose à terre une écuelle de lait. Elle appelle l'enfant une deuxième fois.
L'enfant rentre & se met à la table. Maman sort.
L'enfant se lève de la table & ajoute de la moutarde, du pili-pili, etc… dans l'écuelle
Il s'assied à nouveau & recommence à pleurer.
Maman rentre. "Mon chat!" crie l'enfant.
Maman sort & revient avec le chat dans les bras.
L'enfant arrête de pleurer.
Maman dépose le chat près du lait & s'approche de l'enfant,
lui caresse les cheveux, lui donne un bizou.
Le chat regarde, pas tout à fait confiant.
Il boit du lait & c'est comme s'il avait le feu à la bouche!
Le chat court, miaule de désespoir, dans les jambes de Maman
qui perd l'équilibre & tombe sur la chaise où est assis l'enfant.
L'enfant dégringole sur la table. La table s'effondre au sol.
Le chat fuit. L'enfant le suit & Maman, qui boîte, les suit tous les deux, les menaçant.


9

Un cul-de-jatte dans sa chaise roulante traverse lentement le plateau vide.
Le chat court; l'enfant le poursuit.
L'enfant empoigne la chaise roulante & la mène à toute vitesse, dans la poursuite.
Le cul-de-jatte crie. Ils sortent tous.
BADABOUM!
Le cul-de-jatte traverse lentement le plateau, tout seul, en rampant.


10

Un chaudron.
Une sorcière entre. Elle est en train de préparer une potion magique.
Elle y ajoute quelques poudres. Explosion. Elle rit.
Elle regarde autour. "Chat!" appelle la sorcière.
Apparaît un gros chat noir. Elle le prend dans les bras & se prépare à le jeter dans la potion.
Notre chat (beaucoup plus maigre que celui de la sorcière) entre en courant.
Il bouscule la sorcière qui tombe dans le chaudron avec son chat.
L'enfant reprend sa poursuite. Le chat saute dans le chaudron.
L'enfant s'arrête. Regarde ce qui est dans le chaudron.
Tout commence à bouger: explosions, bouillons, liquides qui coulent, etc.
Du chaudron sort un aigle qui s'envole.
Après, sort un serpent, qui se traîne en dehors.
Après sort un nain barbu, qui reste immobile, paralysé.
Le chaudron continue à faire bruits, explosions & etc.
& soudain départ pour l'espace comme un missile.

11

L'enfant & le nain barbu regardent vers le haut. Temps.
L'enfant regarde le nain &, peu après, celui-ci le regarde aussi.
L'enfant pose une question quelconque au nain, qui répond en miaulant.
"Chat!" crie l'enfant. Il prend le nain dans les bras & le caresse, comme s'il était un chat.
Ils sortent ainsi.

12

L'enfer. Feu.
Le diable apparaît coeur des flammes, qui se séparent comme les eaux du Nil devant Moïse, avant de se renfermer derrière lui.
Il se prend la tête dans les mains et la jette en l'air;
la tête rit, tout en tournant & retombe sur le corps du diable, à sa place. Il rit toujours.
Du ciel tombe le nain sur le diable. Ils tombent tous les deux au sol.
Ils se remettent sur pied. Le diable, furieux, hurle.
L'enfant court dans les flammes qui se séparent etc. S'arrête.
Tous les trois se regardent. Silence.
Le diable jette à nouveau sa tête,
mais cette fois, pendant qu'elle tourne en l'air, la tête ne rit pas — elle miaule.
L'enfant l'attrape en vol & la tire, comme une balle de "football".
La tête du diable sort.
Le corps du diable part à la poursuite de sa tête.
L'enfant crie "Chat!" & les poursuit.
Le nain reste seul en enfer. Temps.
Alors il rit, avec le même rire celui qu'on a déjà entendu chez le diable!

FIN

Bruxelles, Mars 2000


Corrections de la version en français: Paul Louis et Daniel Simon (Avril 2000 et juin 2006).

Texte déposé à la Société des Auteurs portugais (Lisboa)



Le caillou dans la chaussure


La meilleure façon de marcher …est de mettre un caillou dans sa chaussure…


Et dans le cas de l’écriture, c’est souvent de ce caillou qui fait corps qu’il sera question. C’est de votre expérience de ce caillou que je vous invite à témoigner. Nous privilégierons les questions plus que les réponses éventuelles, les incertitudes formulées plus que les vérités assénées. C’est de ce caillou que je vous parlerai.

Certains entendront, croiront entendre hibou, pou ou chou, mais pas caillou.

Peut-être parce qu’ils n’ont pas de chaussures, d’oreille, ou tout simplement, jamais rencontré de caillou…
Nous n’en saurons jamais rien mais ce que nous découvrons alors, c’est que ce caillou, soudain, vient de prendre la place de la chaussure, que l’oreille a repoussé et que pou, hibou et chou ne sont plus que des complices dévoilés…

Comme quoi, écrire un récit de vie, ce n’est pas aller pieds nus dans des chemins que l’on confond avec des routes, des routes avec des terrains vagues, des impasses avec des couchers de soleil. Il n’y a pas de mot pour rien, juste de l’inquiétude transformée en évidence et des échos en certitudes.

Ecrire, peut-être, c’est prendre les mots pour ce qu’ils sont : des incitations à la marche, des invitations à l’écoute de l’homo viator.


Daniel Simon


L’oralité dans l’écriture

Le corps parle dans le texte…

Cela laisse entendre que de la matérialité, de la corporalité, mais aussi du souffle, du parlé-chanté, de la musique traverse le corps en lieu et place du texte…

Cela laisse entendre que la voix fait vibrer, trembler la structure atomique des organes. Les résonateurs sont en place et le texte inspire ou expire à travers eux…

Mais que font ce son, cette musique, cette scansion, ce rythme ?

Que font-ils dans ces impasses ou ces carrefours matériels que constituent nos lieux de résonance corporels ?

Comment la voix prend-elle place dans l’écrit ?
Comment le corps laisse-t-il la place au texte ?
Et de quelle façon ?

Dans la scansion, le rythme, la voix se loge dans l’écriture ; par la ponctuation, la pensée et le souffle du narrateur s’articulent, par le dessin des phrases, une intention s’impose.

L’oralité, c’est aussi la matérialité de l’origine du narrateur, ses hésitations, ses pulsions, sa position dans la hauteur du regard et de la parole…

L’oralité dans l’écriture, c’est de la musique, du son, de la parole qui bousculent l’idée lointaine du son de la phrase (la résonance de la mémoire).

C’est du son qui se laisse entendre au centre de la phrase et non dans l’arrière-salle de la littérature…

L’oralité, c’est une bouche dans le texte qui articule autre chose que la mélodie. Elle profère plus qu’elle n’énonce, elle projette plus qu’elle n’évoque…

DS, Juin 2005